Deux informations publiées dans les Cahiers Bernard Lazare en février 2013, donnent froid dans le dos et nous interrogent sur les limites de la création artistique.
Dans son article intitulé “La mémoire offensée”, Yvette Métral, parle de l’œuvre d’un artiste, Cattelan, qui est la “représentation d’une forme agenouillée de dos dans l’attitude de la prière”. Œuvre installée devant la grille d’un immeuble de la rue Prozna à Varsovie. Jusque là rien d’extraordinaire, si ce n’est que cet immeuble est le dernier vestige du ghetto de Varsovie et que le personnage agenouillé appelé Him, n’est autre qu’Hitler…himself!
Hitler, priant ou même (peut-être) se repentant devant les vestiges du ghetto de Varsovie !!! Peut-on, une seule seconde imaginer cela? L’Allemagne a fait sur cette tragique période, un remarquable travail de mémoire, sans qu’il soit nécessaire, en tout cas sous cette forme, que l’art s’en mêle. Ça ressemble plus à une plaisanterie cynique et surtout une offense faite aux victimes de la Shoah, à leur mémoire, aux survivants et à leurs descendants.
Au nom de la licence artistique, peut-on tout se permettre ? Je n’ai pas de réponse rationnelle, mais je crois très profondément qu’il existe des sujets avec lesquels on ne peut pas faire n’importe quoi sans que cela ne devienne indécent, voire blasphématoire. Hitler devant le ghetto : ce n’est pas acceptable, fut-il à genoux.
Il en va de même avec cet autre artiste suédois Carl Michaël von Hausswolff, qui, lui, expose des œuvres peintes avec des cendres provenant du camp de Maidanek ! Est-ce encore et aussi de l’art ou de la profanation ? On est en droit de s’interroger.
Je n’ose pas imaginer le tollé que cela aurait soulevé si au nom de la création artistique on avait décidé d’exhumer quelques cadavres pour en faire une exposition sur…la mort? La vie?…Mais les cendres de quelques milliers de juifs…
Ces cendres ont été volées par l’artiste lors d’une visite du camp de Maidanek en 1989. Il les a gardées jusqu’en 2010 où il a décidé de les utiliser mélangées à de l’eau pour peindre une toile. “Comme si ces cendres contenaient, dira-t-il, l’énergie ou les souvenirs des âmes des personnes qui avaient été torturées…” Rien que ça!! Je ne suis pas sûre qu’être un artiste autorise à voler jusqu’aux âmes et souvenirs de personnes torturées à mort.
Même si la liberté de l’artiste doit être totale, et j’en suis convaincue, il semble que quelques valeurs fondamentales et sacrées (au sens humain et non religieux du terme) aient disparu. Des valeurs intériorisées, implicitement respectées, des valeurs universellement partagées qui aidaient à comprendre et à apprécier les choses tout en se fixant des limites naturelles. Ces valeurs s’appellent : respect, pudeur, décence, conscience, morale, éthique…
Lison Benzaquen
*Le Titre « La mémoire offensée » est emprunté à Yvette Métral, de son article paru dans Les Cahiers Bernard Lazare de février 2013.