
Cela fait dix ans que le centre de détention tant décrié de Guantánamo fut ouvert à Cuba par les autorités américaines, dans le cadre de lutte contre le terrorisme, après le 11. septembre. 171 personnes y sont toujours détenues (sur 779) . 8 sont mortes sur place, 90 ont été libérées. La France en a accueilli 9.
Jamais libres
Le premier d’entre eux, Lakdhar Boumediene d’Algérie, a vécu 7 ans dans cet enfer. Sans nom, ni identité, juste un numéro (10005). Saber Lahmar, également algérien, est resté six mois de plus. Aucune charge n’avait été retenue contre eux, et ils n’ont jamais été condamnés. Finalement reconnus innocents, ils vivent désormais en France. Ni l’un, ni l’autre n’arrive à s’en sortir. Ils ont le sentiment de ne plus exister.

Ils m’ont tout pris. Mon passeport, tous mes papiers, et volé mon identité. Aujourd’hui, je suis apatride. L’Algérie ne me reconnaît plus comme algérien, et la France ne veut pas m’accorder la nationalité francaise. Je ne suis plus rien. Ici pour moi, c’est comme Guantánamo – en plus grand, dit Lakdhar Boumediene. Pour Saber Lahmar, la France est comme un grand Guantánamo…
Lakdhar est fatigué. Il n’a que 46 ans, mais la silhouette est déjà voûtée et la poignée de main sans force. Là bas, il a attrapé le bacille tuberculeux – pour l’instant à l’état latent. Il n’arrive pas à quitter Guantánamo – mentalement. Quand il se lave les mains, il voit les cicatrices des menottes. Ses nuits sont encore hantées de souvenirs d’humiliations, torture et grèves de la faim. Comme Saber, il fut nourri de force, attaché sur une chaise. Les soldats américains les nourissaient avec une sorte de bouillie à travers une narine. Souvent, ça passait par la voie respiratoire et dans les poumons.
Quand ils voient un soldat américain à la télévision, il croient voir ceux qui se penchaient sur eux, pour les nourrir de force. Ils ont encore des séquelles physiques et psychiques de leur séjour.