Le soir du 3 juillet 1987, il faisait une chaleur torride à Lyon. Une atmosphère écrasante, moite, dans l’attente du verdict du procès de Klaus Barbie. Nous étions nombreux autour du Palais de Justice, nous croisant sans cesse dans les rues aux alentours. Journalistes, avocats, parties civiles, mais aussi beaucoup de curieux. Attente presque sans mots en attendant ceux des jurés et de la cour. Moment d’histoire lorsque Klaus Barbie entre une dernière fois dans la salle d’audience, cette fois pour entendre le verdict. Après deux mois d’audience, mais plus de 40 ans après le faits.
A l’aube du 4 juillet, la Cour d’Assises juge l’ancien chef de la Gestapo de Lyon coupable. Coupable de la rafle du 9 février 1943, au siège de l’Union Générale des Israélites de France, ainsi que de celle des 44 enfants juifs et 6 adultes d’Izieu du 6 avril 1944 et enfin la déportation de 600 juifs le 11 août 1944. Coupable de crimes contre l’humanité, Klaus Barbie, dit Klaus Altmann, est condamné à la perpétuité. Il accueille le verdict le visage impas-sible. Pas un mot ne sort de ses lèvres fines, pas un mouvement. Cependant, le mépris rode. Cet homme n’a que faire de cette justice. Klaus Barbie sort de la salle comme il y est entré, menotté et entouré de gendarmes français. Il a hâte de regagner sa cellule, sa dernière demeure.
Dehors, la foule est encore plus nombreuse. Elle scande : Vergès, Vergès. L’avocat de Barbie a du mal à avancer devant ce mur d’hostilité. Les projecteurs éclairent son visage effrayé. Des coups fusent. Ce soir là, la foule l’aurait lynché, sans la protection des gendarmes. Trop de haine contenue. Trop de souvenirs douloureux. Certains auraient voulu en finir avec Klaus Barbie. C’est Vergès qui encaisse.
Je n’ai jamais oublié. Correspondante à l’époque du journal norvégien Dagbladet, j’ai suivi le procès, aux moments forts. L’arrivée de Klaus Barbie, à ce moment là avec un petit sourire aux lèvres. Dénonçant déjà un ”climat de lynchage”, et privant les parties civiles de la confrontation tant attendue.
Et la veille du procès, la découverte d’Izieu, où les avocats ont voulu se rendre, avec Sabine Zlatin, seule survivante. Toute sa vie, elle a attendu ce procès. Enfin pouvoir crier à Barbie, ou en l’occurrence à Vergès : “c’étaient quoi ces 44 enfants? Des terroristes? Des résistants? Non, des innocents!”
A l’époque, tout le procès fut enregistré. 145 heures. Arte vient de sortir un coffret de 6 DVD, coédité avec l’INA sous la direction de l’historien Dominique Missaka. Il faut tout regarder, comme le film ”Shoah” de Claude Lanzmann. Tout est là. Les crimes de l’offi-cier SS, les souvenirs des victimes, les réquisitoires et les plaidoiries. Il n’y a qu’un absent. Klaus Barbie.
Vibeke Knoop