Un monde différent est à venir, dans un contexte totalement nouveau, une transformation complète des poids et des mesures avant qu’ils ne nous écrasent. Edgar Morin vient de publier La Voie (Pour l’avenir de l’humanité) chez Fayard, conclusion (ou début) de ses réflexions sur le monde d’aujourd’hui – et de demain. Que faire? Que ne pas faire?
Tout d’abord, ne pas rester indifférent. Parmi les problèmes traités dans ce plaidoyer pour l’avenir de l’humanité, il y a celui des flux migratoires en cours, provoqués par les bouleversements du monde. Les déplacements et les diasporas ont toujours existé, tantôt en se fixant pour créer des nations, tantôt en traversant les pays vers d’autres territoires, tantôt…les causes sont multiples et il n’est pas besoin d’insister trop sur les causes actuelles de ces déracinements.
L’exemple le plus célèbre est celui des deux Amériques, purs produits des migrations européennes.
Aujourd’hui, nous n’assistons pas (encore?) à des déplacements de peuples entiers, mais à des départs individuels plus ou moins regroupés – et pour les Africains en particulier, exploités par des passeurs qui les “aident” à accéder subrepticement à des pays où ils demeureront clandestins.
Un rapport de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique) assure que l’immigration jouera un rôle considérable dans la future économie des pays du Nord pour le maintien de la croissance et de la prospérité. Les gouvernements devraient, dans leur intérêt, aider les immigrés à s’intégrer, et leur assurer les mêmes droits que les travailleurs locaux.
Dans les pays disposant de procédures d’intégration et offrant la nationalité aux enfants nés sur leur sol, les immigrations successives ont donné à la nation leur consistance démographique et les richesses de leurs diversités culturelles.
En Europe, dans les pays où persistent des sentiments de supériorité racistes, post-colonialistes et xénophobes, les immigrés en arrivent à se retrouver victimes de “recroquevillements” nationalistes, exacerbés par leurs angoisses du lendemain. Prenons garde alors à la volonté de séduire l’électorat xénophobe, particulièrement aujourd’hui, en France, dans une période de crise économique et de montée exponentielle du Front national “rajeuni” et féminisé.
Il serait temps, affirme Edgar Morin, de concevoir pour l’Europe une instance compétente qui examinerait le problème des migrations, et de ses éventuels accroissements à venir (désertifications, réchauffement climatique, raréfaction et pollution de l’eau, inondations, exacerbation des conflits actuels – et révolutions). Abolir les prohibitions aux frontières, suffirait-il à faire disparaître ces mafias qui organisent les transports clandestins?
Corrélativement, une façon de faire diminuer les taux d’émigration, ne serait-ce pas de re-développer l’agriculture vivrière et les réformes économiques et sociales?
800 millions de personnes dans le monde souffrent de déficit de nourriture à cause de la spéculation, de la corruption, de la destruction des cultures vivrières.
Les impératifs d’une politique de civilisation nous commandent de solidariser, ressourcer, moraliser.
Et pourquoi pas des “maisons de solidarité”, centres d’accueil pour les détresses urgentes, avec un corps de volontaires et de professionnels disponibles et mobilisables en permanence. Ce n’est pas une utopie, ces lieux (rares) existent déjà ailleurs.
Le jeu n’en vaut-il pas la chandelle?
Colette Gutman