Paru dans le journal d’avril 2010

En 1939, pour justifier son plan d’invasion brutal de la Pologne dont on lui disait qu’il serait du plus mauvais effet, Hitler rétorquait : “Qui se souvient encore de l’extermination des Arméniens?”
Et bien n’en déplaise à cette haineuse prophétie, 95 ans après le drame subi par les Arméniens en 1915, non seulement on s’en souvient toujours, mais — et ce n’est que justice — les Américains, après les Français et bien d’autres encore, ont enfin décidé de reconnaître comme génocide, l’abominable crime dont les Arméniens ont été les victimes.
En effet, le 4 mars dernier, après le vote par la commission des Affaires étrangères américaines, décision fut prise d’une résolution reconnaissant le génocide arménien sous l’Empire Ottoman. Bonne résolution s’il en est…Certes elle n’a pas force de loi, mais c’est déjà un début.
Les Arméniens qui luttent depuis des années pour cette reconnaissance, ne peuvent que se réjouir de cette avancée.
En revanche la Turquie, elle, ne l’entent pas de cette oreille et, pas contente du tout, a fait rappeler son ambassadeur à Washington et ne décolère pas en menaçant par la voix de son président Gül : “Il ne faudra pas blâmer la Turquie des conséquences possibles de ce vote”.

Les historiens officiels et les autorités turques persistent à vouloir faire croire que les crimes envers les Arméniens n’ont pas eu lieu.
Ça commence à friser le ridicule…
Certaines analyses évoquent plusieurs raisons pour “justifier” ce négationnisme. La principale semble liée à la création même de la République turque qui, comme c’est souvent le cas lors de la création d’un Etat-Nation, a brisé ses liens la rattachant au passé — surtout si ce passé est encombré de traumatismes. Et Dieu sait si l’histoire de la Turquie en est chargée.
Quoiqu’il en soit rien n’empêche la République turque de prendre ses distances d’avec l’Empire ottoman considéré comme responsable des atrocités. Jacques Chirac n’a-t-il pas reconnu la responsabilité de la France de Vichy dans la déportation des juifs de France?
Alors pourquoi le génocide arménien doit-il rester tabou? Cette obstination ne peut être que néfaste pour la Turquie car, et les dirigeants turcs doivent bien le comprendre, on sait bien et l’on ne cesse d’en parler et de l’éprouver depuis fort longtemps maintenant : l’existence et l’avenir d’un pays ne peuvent pas faire l’économie de la reconnaissance et la transmission de la réalité de son passé, quand bien même cette réalité est douloureuse et lourde à accepter.
C’est un devoir moral fondamental à remplir à l’égard des jeunes générations et le prix à payer pour avancer.
Alors pourquoi une telle crispation?
— Lison Benzaquen