« Machisme machinal »

La voix des politiques appelant à la parité hommes-femmes aux conseils d’administration aurait plus de poids si les politiques respectaient eux même la parité…

Chronique de Gérard Courtois
LE MONDE | 25.01.10 | 13h42 • Mis à jour le 25.01.10 | 13h42

Sonnez trompettes et résonnez hautbois : depuis deux siècles et même un peu plus, la France est la patrie des droits de l’homme et du citoyen. C’est inscrit, en quelque sorte, sur sa carte d’identité nationale. Pour les droits de la femme et de la citoyenne, en revanche, c’est une autre histoire.

Sans doute, l’article premier de la Constitution proclame-t-il fièrement, depuis les réformes de 1999 et 2008, que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Ainsi, le 20 janvier, à l’initiative de l’UMP, les député(e)s examinaient une proposition de loi « relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance » des entreprises. Légitime ambition, ont déclaré, la main sur le coeur, tous les orateurs et oratrices. Et pour cause : les femmes représentent aujourd’hui près de 40 % des cadres des entreprises, mais n’occupent que 8 % des sièges des conseils d’administration ou de surveillance des 500 plus grandes sociétés françaises.

Décidée à mettre fin à cette situation « à la fois anachronique et injustifiable », la présidente de la délégation aux droits des femmes, Marie-Jo Zimmermann, a donc proposé d’instaurer, en six ans, un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées et des entreprises publiques. La Norvège l’a fait, avec succès, ces dernières années ; pourquoi pas nous ? Ce n’est pas le lieu, ici, d’évaluer ce dispositif. Mais de constater la formidable permanence des résistances à l’idée que les femmes puissent disputer aux hommes pouvoir et responsabilités. Car l’on a entendu, ce 20 janvier, resservis à l’identique, tous les arguments invoqués il y a dix ans pour récuser la parité dans le monde politique : faisons confiance aux évolutions naturelles ! Ne plombons pas davantage la « compétitivité des entreprises » ! Est-on bien sûr que le vivier de femmes compétentes est suffisant ? N’est-il pas choquant, presque humiliant, que le choix des dirigeant(e)s soit affaire de sexe plutôt que de talent ? Etc. Si ce machisme machinal n’était aussi affligeant, il pourrait relever du comique de répétition.

Il est vrai que dix années d’application de la loi sur la parité en politique sont loin d’être franchement encourageantes. Quand elle est incontournable (pour les scrutins de liste), la loi est efficace et personne ne semble s’en plaindre : 46 % des Français siégeant au Parlement européen sont des femmes. En revanche, dans les scrutins uninominaux en vigueur pour l’Assemblée (18 % de femmes) ou les conseils généraux (12 %) – et, demain, les nouveaux conseils territoriaux -, les grands partis préfèrent la contourner et payer les amendes prévues : 4 millions d’euros pour l’UMP, 1 million pour le PS. Difficile, dans ces conditions, de faire la leçon aux chefs d’entreprise.

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